Printemps - Bretagne mars 2025
Les embruns du large m’apportent les effluves d’un carburant fossile, résultat d’un slalom entre les icebergs effectué par un capitaine sous perfusion de vodka à la barre d’un bateau poubelle. Sur le sable souillé, quelques mouettes engluées finissent d’agoniser en silence. Un vent fou à l’humeur amère souffle une haleine fétide chargée de reproches. A l’orée de la pinède, le sol est jonché d’aiguilles de pins carbonisées par les pluies acides de ces derniers mois. Un groupe d’enfants joue à l’édification d’un effroyable château imaginaire constitué essentiellement de galettes gluantes offertes par Total. Une poignée d’écolos utopistes vêtus de combinaison plastique essayent vainement de nettoyer les cent trente kilomètres carré de littoral souillé. Seul, au milieu de ce chaos écologique, prospèrent les algues tueuses libérant leur gaz mortel. Deux rêveurs inconscients parcourent la plage de long en large un détecteur de métaux en main, à la recherche d’un hypothétique trésor, évitant de poser leurs pieds nus sur les vieilles seringues et les débris de verre. Le soleil de mars est en quête de victimes à brûler car malgré une température de 6° à peine, ses rayons n’ont aucune difficulté à venir frapper notre sol.
Eté - Oran fin août 2030
48° à l’ombre, tel une chape de plomb un ciel laiteux fait office de couvercle hermétique sur la ville. Le quartier de Sidi El-Houari, encerclé de barbelé, est devenu la poubelle de la cité ou s’entassent pêle-mêle les mendiants, les SDF, les chômeurs, les veuves et les orphelins. Dans cette cour des miracles version vingt et unième siècle, la violence est une attitude naturelle nécessaire à la survie. L’unique repas, les jours de chance, est constitué de rats et d’eaux croupies. La malaria, le choléra, la peste et la lèpre sont redevenus à la mode. Le gouvernement local, l’Algérie étant devenue un état de l’union Africaine elle-même sous tutelle du gouvernement mondial présidé par les grands argentiers de la planète, a décidé d’assainir l’enclave en utilisant la BHVC (Bombe à hautes vibrations contrôlées). Les pertes sont estimées, avec dommages collatéraux, à environ 850 000 entités. Le gouverneur estime ce chiffre très raisonnable aux vues des résultats escomptés. Bien entendu la thèse officielle retenue et diffusée en boucle par les médias sera d’origine terroriste, cela permettra de renforcer le système avec de nouvelles lois liberticides et d’instaurer le couvre feu avec l’assentiment d’une population choquée et désemparée.
Automne - Liège novembre 2035
J’erre dans les allées du parc municipal en direction du sud, la grisaille des cieux est partiellement obstruée par l’exode de milliers de feuilles pourrissantes que le vent déporte aux quatre coins d’une ville en grande partie détruite par le dernier et stupide conflit entre Wallon et Flamand. Loin des branches qui leur ont donné vie, elles vont finir leur parcours au diable vauvert, ignorant sans doute qu’elles étaient le dernier espoir de chlorophylle de ce jardin. Des hommes au visage gravé par les saisons travaillent avec lenteur et concentration pour contrôler cette anarchie végétale, brûlant les branches d’orme, de chêne et de sycomore. Tandis qu’une fumée acre chargée d’humidité flotte dans l’air comme le dernier souffle d’une âme égarée, je regarde rougeoyer la braise des feux en humant les gaz chauds de cette hécatombe végétale, il me semble sentir l’odeur insistante d’une mort en devenir et pressée dans découdre avec l’espèce humaine. Le gouvernement régional, sous ordres de l’O.M.C, vient de décréter l’interdiction de toutes les cultures non OGM certifiées et contrôlées par la multinationale Monsanto. Les potagers privés étant très lourdement taxés, le jardinage est devenu un loisir hors de prix très prisé par la Jet-set.
Hivers – Naples janvier 2040
La ville déborde de ses déjections, avec les brusques changements de température de nouveaux virus issus de mutations déciment la population aux quatre coins du globe. La température a atteint les moins 40° Celsius intra muros. Les cinq milles survivants napolitains se livrent une guerre sans merci pour un refuge, un peu de chaleur ou de nourriture. Il n’y a plus de gouvernement en action, ses représentants, quelques centaines d’individus, sont terrés dans des abris spécialement conçus de longue date pour leur survie en attendant une hypothétique amélioration climatique. Les différents sommets de la terre prévus pour la sauvegarde du climat et de la bio diversité ont tous échoué. Chacun courant après l’hydre économique en vouant, comme par le passé, un véritable culte à la finance. Dans les foyers les écrans plats à relief sont privés d’électricité et les 4X4 de luxe rouillent sur les chaussées défoncées par le gel, les nappes de pétroles sont asséchées et les centrales nucléaires, faute de personnel qualifié et motivé, sont laissées à l’abandon jugées trop dangereuses, elles ont été classées Seveso au niveau 5 l’année précédente.
Automne – Toulouse décembre 2010 – 06H30
Je me réveille en sueur, putain de mauvais rêve. Douche rapide, café prit à l’arrache, je monte dans mon véhicule et allume l’autoradio direction le turbin
jusqu’à minimum 62 balais. France info annonce qu’une ribambelle de candidats se présente à l’élection présidentielle de 2012. Je fais demi tour, rentre vomir dans les toilettes et retourne me coucher. J’avoue que ma joie et ma bonne humeur ont mis les voiles depuis que les linceuls et les étendards ont le vent en poupe. Pour cette fin d’automne, la température plafonne à 6° à peine.
L’hiver qui s’annonce sera rude, restez couvert mes frères…