Wahida a dix sept ans, elle aime Hagoèl de deux ans son aîné et Hagoèl aime Wahida. Quoi de plus banal, naturel, merveilleux...
Le père de Wahida porte la djellaba et prie à la mosquée alors que le père d’Hagoèl, le vendredi, dix huit minutes avant la tombée du jour, allume les sept branches de la Menorah pour faire sabbat et s’en va prier à la synagogue. Tout cela ne devrait, à priori, ne poser aucun problème, seulement voilà, les à priori ! Vous savez ce que l’on nomme les préjugés, ces opinions non fondées sur la réalité mais sur ce que l’on pense, ce que l’on croit. Les principes que nos maîtres, mentors, prêtres, rabbins ou autres imans nous ont inculqué au travers de l’histoire. Ces principes assénés comme des certitudes venant de livres cent fois réécris selon les sensibilités. Des lectures dont l’interprétation et le sens dépendent du nombre de connexion neuronale du lecteur et de son époque mais jamais remis en cause car sacrilège. Jamais à l’écoute des cœurs.
La rage des pères, ennemis mortels pourtant issus des mêmes racines, face à l’amour de deux enfants ne fait pas dans la mesure. Cette colère héréditaire, piétinant le premier précepte de toutes « FOI » qu’est la tolérance, inverse le commandement aimez vous les uns les autres en haïssez vous les uns les autres. Les malédictions de l’un contre l'intifada de l’autre. Ils sont prêts à nous faire un remake de la bande de Gaza à la Courneuve.
Le frère de Wahida veut tuer Hagoèl. La mère d’Hagoèl se voit bien défigurer Wahida cette mécréante qui veut lui prendre son fils, la chair de sa chair !
Les deux enfants ayant été mis à l’index par l’Imam et le Rabin, essayent à tout hasard d’avoir l’avis du curé de la paroisse. Troisième et dernier représentant de Dieu dans le quartier. Hélas, trois fois hélas, celui-ci leur répond que n’étant pas baptisé dans la foi chrétienne, ils ne sont pas sa tasse d’athée ! Trois à zéro…
Alors Wahida et Hagoèl s’enfuient loin de la bêtise, loin de la prison des conventions, des privations. Le père maudira sa fille, la mère pleurera son fils mais pas un seul instant, les éléments du troupeau bêlant ne se remettront en question parce que leurs entourages, au nom des saintes écritures, ou tout du moins de la compréhension qu’ils en ont, ont jeté l’anathème sur l’innocence de ces deux enfants qu’ils qualifient d’impies.
Novembre 2011, Shakespeare est toujours de saison. Roméo et Juliette n’en finissent pas de ramer face à l’intolérance de leurs aînés. Tous les prophètes l’ont dit, l’amour doit prévaloir sur toutes lois, balayer toutes les certitudes. Entre savoir lire et comprendre, il y a souvent un fossé que des intégristes de tout bord, intéressés par des parcelles de pouvoir, s’empressent de combler avec leurs sales idées.
Il faut toujours suivre la direction que le cœur vous indique, c’est le seul chemin qui ne mène pas à une impasse, parce que la distinction entre le vrai et le faux s’applique aux idées, non aux sentiments. Un sentiment peut être superficiel, il ne sera jamais menteur.