Bonjour je m’appelle Zakia, ce qui veut dire pur, mais pour combien de temps encore ? J’ai huit ans. Je suis un enfant du soleil, un enfant de l’orient. Je suis né et je vis à quelques kilomètres de Jénine, ville de Palestine de 40 000 âmes en errance. Depuis mon arrivée sur cette terre caillouteuse assoiffée de paix en attente d’un hypothétique et improbable miracle, je grandis au milieu du bruit des fusils et de la déflagration des roquettes.
On m’a dit que c’était une terre sainte, celle qu’un Dieu avait choisi pour son peuple, ceux d’en face qui envahissent nos champs et détruisent nos maisons. Ceux qui se lamentent sur un mur en priant avant de venir éliminer mon père et arrêter mes frères. Je ne comprends pas pourquoi les grandes personnes se tirent dessus. Pourquoi des soldats ont tué ma tante et mon oncle alors qu’ils étaient partis pour l’hôpital afin de mettre au monde mon petit cousin.
On me parle de sionistes, d’intégristes, de juifs sémites, de terroristes etc… Je ne sais pas ce que cela signifie. Mon copain Slimane de trois mois mon ainé a perdu ses deux jambes quand les tanks de Tsahal ont débarqué pour le chasser de chez lui. La dernière fois qu’il courait, c’était pour jeter des pierres sur les monstres d’acier afin qu’ils ne viennent pas détruire le logis de ses ancêtres. Dans quelle catégorie était-il ?
Ma mère pleure chaque jour depuis que mon père et mes frères servent d’engrais aux cultures d’Israël. Elle me dit que nous ne sommes pas des terroristes mais des résistants qui se battent pour la terre qui les a vus naître, simplement pour avoir le droit de vivre libre chez eux. Seulement voilà, les autres disent que nous ne sommes pas chez nous. Qui pourrait m’expliquer car j’avoue que du haut de mes de huit ans je ne comprends pas.
Ils ont construit un mur de peur que nous venions chez eux où chez nous, enfin je ne sais plus, tout cela est trop compliqué. Je demanderais bien à mon professeur mais il a été arrêté il y a maintenant une semaine parce qu’il refusait de quitter l’école qui n’a pas résisté à l’assaut des bulldozers affectés à la construction d’un lotissement pour colons juifs.
Il y a quelques jours, des gens de mon village ont pendu un jeune soldat israélien à un arbre. J’ai demandé à ma mère pourquoi, qu’est ce qui poussait le charpentier, le boulanger et l’agriculteur à faire une chose pareille ? Elle m’a répondu la colère mon fils, le désespoir et la haine qu’ils ont mis dans nos cœurs. C’est vrai, les effets de la colère sont souvent beaucoup plus graves que les causes car ce gamin d’une vingtaine d’années que des politiciens ont armé pour tuer, savait-il réellement ce qu’il faisait ? Avait-il conscience qu’il luttait pour le seul profit d’une poignée de requins bien établis ? C’est à croire que la seule alternative qu’ils ont trouvé au manquement d’eau pour arroser le sol de ce pays, c’est le sang versé de leur sale conflit. Les fruits de Palestine auront, pendant des siècles, le goût et l’amertume des milliers de victimes innocentes à qui l’on a menti ou volé la terre sur laquelle grandissaient leurs enfants. Voilà aujourd’hui la triste, implacable et meurtrière vérité.
Yahvé, Allah, Dieu ou qui que vous soyez, venez les arrêter afin que ma mère cesse de pleurer, que les enfants ne soient plus massacrés, que de jeunes soldats ne finissent pas au bout d’une corde et expliquez leurs une bonne fois pour toute que la terre appartient à tous les hommes et, que celui qui la vole pour se l’approprier commet le plus grave des péchés.
A toi, l’enfant israélien du même âge que moi, de l’autre côté du mur qui a la chance d’embrasser son père avant de partir à l’école, je prie pour qu’un jour main dans la main, nous bâtissions côte à côte l’avenir d’un pays commun. Que nos mères et nos frères puissent ensemble se baigner dans les eaux claires du lac de Tibériade et s’allonger en paix dans un grand champ d’olivier cultivé par nos pères.
Demain, la balle d’un sniper viendra peut-être écourter mon cauchemar terrestre et me faucher en pleine course avant ma dixième année. Alors toi, à l’autre bout du monde, en lisant ton journal, tu me croiras mort alors que je ferai semblant. Allongé à côté du petit prince, une brindille de blé entre les dents, je regarderai les étoiles.
Comment est-il possible pour un peuple de subir autant de drames, de douleurs, d’humiliations, sans que la communauté internationale ne réagisse pour exiger l’arrêt immédiat de ce génocide, de ce massacre ? Qu’est ce que c’est que cette presse où, dans ce conflit le colon est toujours gentil et démocrate, et le colonisé toujours un terroriste et un intégriste ? La kipa a-t-elle plus de valeur que la main de Fatima ? Sommes-nous inféodés au sionisme ? Avons-nous oublié à ce point ce qu’est la liberté, le respect de la vie ? Notre silence nous accuse, il a le vacarme de la honte.
Aujourd’hui, nous sommes tous un peu Palestinien et je suis un sioux qui est sorti de sa réserve et qui refuse de marcher en file indienne.