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La danse de Shiva

29 JANVIER 2014

           Presque quinze milliards d’années que le Big Bang est né, accouché du néant, de l’invisible pour arriver à cette immense soupe d’atomes qui constitue tout ce que nous sommes, tout ce que nous voyons, tout ce que nous touchons, tout ce que nous sentons. Nous sommes des bosons de Higgs…

       A l’est du Sebôe, sur les hauts plateaux de Kabylie dans le massif du Djurdjura, un troupeau de chèvres somnole sous le clair et lumineux regard souligné de khôl d’une petite bergère. Ses longs cheveux noirs bouclés dansent au gré de l’Avakri. Installée dans le calme, comme lui a appris son père, le tenant lui-même de son grand père, elle sent le murmure des feuilles, la respiration de la terre, les vibrations de la vie. En contre bas, un oued à l’anarchique tracé hurle ses eaux bouillonnantes aux flancs de la vallée en transportant le cadavre des victimes d’une charia imbécile.

       Notre univers, depuis son accouchement, n’a pas fini sa crise d’adolescence. Il est sans cesse en expansion. Deux options à terme se profilent, premièrement si cette force d’expansion ne faiblit pas, elle vaincra la force de gravité et l’univers se dilatera éternellement en se figeant dans un repos glacial : « le Big freeze ». Si cependant elle faiblit, la gravité reprendra ses droits, un peu comme une pièce de monnaie qu’on lance en l’air et qui finit par retomber, il se recroquevillera sur lui-même jusqu'à une insoutenable densité et le résultat sera un bing bang à l’envers : « le Big Crunch ». 

       Bénarès 19H00, les pèlerins par centaines convergent vers les rives du Gange afin d’assister à la cérémonie. Les prêtres agitant leurs clochettes aux rythmes des mantras béniront le fleuve mille fois sacré. Demain aux aurores, hommes, femmes et enfants viendront y faire leurs ablutions au milieu des déchets flottants, des cendres mortuaires et des rejets chimiques des industries en amont. Sur les trottoirs jonchés d’immondices, on enlèvera les derniers corps que la vie a quitté durant la nuit puis, la foule et le commerce vampiriseront à nouveau les lieux sous le vacarme des musiques Bollywood qu’hurlent à tue-tête les transistors à l’entrée des échoppes.

       La théorie de la relativité a démontré que le temps s’écoule différemment en divers endroits de l’univers conditionné par la vitesse de la matière et la force gravitationnelle des éléments qui l’a compose. Ce qui équivaut à une année terrestre en vaut cent mille fois plus dans une galaxie lointaine et cent mille fois moins dans un macro univers.

        

       En Turquie le gouvernement en place fait bâtir un mur afin que Syriens mais surtout Kurdes ne puissent venir se réfugier chez eux. Idem sur la terre sacrée ou juifs, musulmans et chrétiens se déchirent depuis des siècles pour quelques arpents au nom d’un Dieu qui les ignore. Je me mets à rêver que l’énergie dépensée par les hommes à construire des séparations entre eux soit utilisée à les rapprocher et à édifier des passerelles vers d’autres mondes. Pendant ce temps, des dirigeants corrompus laissant leur pays se réduire à la misère vont pérorer chez leurs voisins africains afin d’imposer un ordre qu’ils sont incapables de faire respecter chez eux.

       Telle d’inutiles et folles fourmis s’agitent ainsi les représentants de l’espèce humaine. Quand ils ne se massacrent pas, ne saccagent pas leur environnement, ne se haïssent pas ou ne se volent pas entre eux, la plupart pense que seul l’argent et son accumulation sont le but ultime de la vie. Voilà la triste linéarité qu’ils s’infligent. Ne croyez pas que la normalité soit le summum de la finalité, loin de là. Elle vous cantonne au troupeau, fait de vous des clones et empêche le développement personnel. Pour ceux là, il n’y a point d’après car ils nient jusqu’à leur propre mort à venir tant la peur de leur inutilité flagrante les paralyse. Comment essayer de comprendre le monde, sentir la force et les vibrations de la vie quand on a arrêté de rêver, de croire au merveilleux, à l’impossible, à l’autre comme un frère ou une sœur de voyage ? C’est peut-être d’avoir dissocié la connaissance de la structure divine, de s’être approprier le savoir en se détachant de la foi et de l’éthique que l’homme en tuant sa fraternité a brisé l’unité universelle.

       Regardez l’histoire de l’univers. L’énergie génère la matière, la matière génère la vie, la vie génère l’intelligence. Et l’intelligence, que va-t-elle générer ? Cela est de notre seule responsabilité. Scientifiquement, il serait intéressant de savoir si la vie aurait pu faire le monde d’une autre manière, autrement dit, si la nécessité d’une simplicité logique laisse place à quelques liberté. Aujourd’hui, la planète est à feu et à sang, les conflits interethniques se multiplient. Des combattants aveugles et incultes sont menés par de faux prophètes, de fausses religions et de faux dieux. L’argent à tout corrompu et ses détenteurs se revendiquent de la sagesse des anciens qu’ils ne possèderont jamais et salissent la pureté de l’enfance. 

       La science à découvert que tous les événements avaient des causes et des effets, étant donné que les causes sont déjà les effets d’un événement antérieur et que les effets engendrent irrémédiablement des causes et ainsi de suite, chaque être est donc entièrement responsable des effets causés par ses actes. L’individualité n’est rien sans l’ensemble et une poussière du cosmos n’a jamais fait une étoile mais, ici sur terre, l’anarchique réunion de plusieurs volontés égocentriques a construit un enfer. 

        A l’échelle de l’univers, nous ne sommes qu’une suite éphémère de souvenirs en devenir. Entre l’équilibre toujours plus précaire et le chaos toujours plus présent se rythme la danse de Shiva.

        "Parce que je suis UN inséparable du TOUT, ma demeure est l’Infini, ma durée est l’Eternité, comme l’univers entier lui-même, dont je partage et porte en même temps l’aventure spirituelle. Je suis dans l’univers, je suis l’univers… " J.E.C

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