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Un 14 Novembre 2015

13 JUILLET 2017

          Parc de Belleville un 14 novembre à 07H00 du matin dans le XI e arrondissement. Sept degrés, ciel dégagé, la fraicheur matinale hérissait la pilosité de mes bras et me picotait la peau. Les premières foulées encouragées par la musique de ZZtop furent brusquement interrompues par un flash d’information. La voix du journaliste annonçait que hier soir, des personnes venues écouter de la musique avaient été massacrées par trois fous furieux hurlant en arabe le nom de Dieu. S’en suivait la description apocalyptique de la boucherie du Bataclan et du bilan de la soirée, 130 morts et 350 blessés. La respiration coupée, je stoppais ma course et m’adossais au chêne le plus près. Par un hasard compassionnel, des nuages solidaires voilèrent pudiquement quelques instants le soleil. Ils ont l’âme sale et j’ai la nausée.

         

          Dogme dévoyé, prétexte à la domination et outil à la soumission. Difficile d’imaginer qu’un Dieu infiniment bon est besoin d’une poignée de débiles plein de haine pour exister. Sincèrement à sa place, à voir comment vivent les humains entre eux, je perdrais la foi en moi. Que se passe t-il dans la tête d’un homme pour qu’il prenne un fusil et tire dans la foule ? Comment en arriver au point de détruire l’existence d’autrui tout en niant la sienne et déclencher une bombe dans un bus scolaire ? Lorsqu’ils revêtent un enfant d’une ceinture d’explosif, je me pose la question : « Comment en sommes nous arrivés là et où avons nous échoué ?... ». Ils se gargarisent de religion et de faux prophètes, il serait plus sain qu’ils se shootent au rock et s’éclairent au joint. On nage en plein surréalisme de l’horreur. On pense être bercé par le chant de nos sirènes alors que c’est le hurlement de nos victimes qui déchire la nuit. Pour de piètres honneurs et un Eden mensonger, le kamikaze bourreau se prend pour un soldat, piétine la vie et ignore le prix du sang.

          Doit- on choisir un camp, une bannière, pour faire demain un ennemi d’un ami ? Sur les ailes du vent une colombe veille mais, le chasseur embusqué dans les couloirs du temps atomise son arc en ciel, déchire les nuages de nos yeux et fait pleuvoir sur nos visages des larmes de sel. A quelques mètres de mon arbre, penchée sur un berceau une petite vieille surveille avec amour un enfant qui s’éveille. Entre ces deux êtres, Chronos cumule plusieurs conflits armés dans son sablier de misère sur cette planète ou un Dieu s’est perdu. La guerre des lâches, celle des idiots incultes supprimant des vies en même temps que la leur au nom d’un idéal obsolète, celle des dirigeants machiavéliques fabricant ces mêmes idiots en volant leur pays et massacrant leurs frères pour s’en accaparer les richesses naturelles, celle de tous ces intellectuels, philosophes, écrivains, journalistes qui travestissent et trahissent la vérité pour la sauvegarde de leur petit confort ou d’illusoires et éphémères lambeaux de pouvoir. Ils sont tous ridicules face à l’immuable et intangible réalité car, quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils pensent, un objet lancé au dessus de leur tête retombe toujours vers le centre de la terre.

 

          Ils planent à trop regarder leur nombril et soudain, ils veulent tous atterrir le réservoir vide et ça, c’est complètement con. Ils devraient tous travailler dans une unité de soins psychiatriques cela médicaliserait leur misérable existence. Voulez vous que je vous dise, dans ce monde l'idolâtrie est une erreur et l'espoir, dans ce cas précis, n'est malheureusement pas une option. L'homme se construit avec et pour les autres, ceux qui l'ont oublié ont déjà perdu leur humanité. La complaisance envers un quelconque pouvoir dirigiste est synonyme de tiédeur, lâcheté, d'un odieux sacrifice de sa personnalité, d'une négation de sa réalité en tant qu'être à part entière. La vérité absolue c’est cette liberté qui danse au milieu des contraintes, celle de l’homme qui malgré des lois restrictives choisit l’émancipation à l’obéissance imbécile. C’est notre utilité pour les autres qui justifie notre existence.

          D’un coup je me suis senti terriblement vieux. Le fait est que, plus la vie vous en donne et plus le monde en veut, c’est sans fin... Puis soudain, comme un constat ironique, dans mes écouteurs Manu Chao grattait sa guitare en chantant « la vida tombola ». J’ai quitté mon dossier végétal, ai titubé jusqu’au banc le plus proche, m’y suis assis puis, j’ai hurlé ma colère contre la bêtise meurtrière et, devant l’intolérable évidence de mon impuissance et mon incapacité à changer les choses, j’ai pleuré comme un con… 

          C’est terrible le parc de Belleville un 14 novembre à 07H00 du matin dans le XI e arrondissement...

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