Villes champignons, pollution, surpopulation et surtout, surtout la sacro-sainte et mondiale religion : " La consommation ". Gare aux impies, aux non-croyants, aux non-pratiquants ! Au mieux, ils passeront pour des illuminés, des fous, des arriérés et si cela ne suffisait pas, le fracas des armes réduirait la loi des hommes au silence afin d’instaurer la loi du commerce. Leur puissance est dans ce qu’ils possèdent, ce qu’ils acquièrent. Leur notoriété est calquée sur l’épaisseur de leur compte en banque et la valeur qu’ils se donnent, ils l’achètent pour la voir se refléter dans les yeux d’autrui. Collaborateur, le publicitaire sait que chaque être humain est une mosaïque d’envies et de besoins, il s’efforce donc par le biais d’un travail humainement inutile et polluant d’en être la pièce manquante en déféquant ses affiches, panneaux et autres appâts fallacieux ...
Regardez-les, courir de vitrines en rayons, de soldes en promotions. Regardez les ces vieux accrochés à leur caddy nouvelle génération, poignées hautes et droites afin qu’ils puissent errer entre les allées des supermarchés sans trop se fatiguer, bavant sur des articles superflus aux œillades putassières ainsi donc, voici l’ultime distraction d’une fin de vie qui se résume à la consommation en attente de l’extrême onction. Là est leur avenir, celui qu’ils se sont construit. Jugement sévère pensez vous ? Non, seulement factuel et l’acquisition de biens de matériels est devenu l’horizon indépassable de toute une civilisation, l’outil et les fondations indispensables du libéralisme et de sa dictature financière. Les hommes ont besoin de verdicts pour celer les instants déplaisants de crainte que ceux-ci n’entachent la quiétude et la normalité de leurs moroses lendemains. La vérité aujourd’hui dérange, elle n’intéresse personne sauf, si elle est rentable !
Voici Zombiland, pays où le Dieu consommation règne. Aliénation extrême, réduire la liberté au désir et le désir à l’acte d’achat comme unique échappatoire. Le désir de posséder la chose qui une fois détenue, fais renaître le désir d'autre chose. l'acte irréfléchi, imprévisible, qui se caractérise par un sentiment d’urgence, d’obligation. L’autocadeau comme remède ponctuel, un message à soi-même d’encouragement, de consolation, de valorisation narcissique. Ils fantasment sur l’objet qui une fois acquit a momentanément une dimension sacrée, celle de les rendre plus séduisants, plus puissants, plus désirables. En être propriétaire leur donne l’illusion d’appartenir à une élite. Un besoin de combler l’ennui, le vide, le manque d’imagination, une identité mal assumée, une confiance en soi peu stable, un vide intérieur. La dépendance, chacune de leurs envies matérielles est un rocher auquel ils s’accrochent et qui les empêche de nager vers la rive réalité.
La guerre est terminée, ils ont gagné. Les camps de concentration et de rééducation s’appellent super ou hypermarchés et, si par hasard quelques poches de résistance, quelques irréductibles villages gaulois venaient à protester, ils vous serviraient de sportives et nationalistes distractions du genre foot, tour de France ou tennis afin d’exacerber vos patriotiques instincts et vous ramener, par une fierté mal placée, dans leurs tortueux chemins balisés jusqu’aux caisses enregistreuses. Ils ont la force, la culture et le pouvoir. Leurs discours, leurs mots ont la puissance évocatrice des vérités assénées qui laissent des cicatrices, et c’est pour cela que ces menteurs se font censeurs car, si vous ne pensez pas comme eux, leur sale morale est offensée ce qui donne quitus aux procès motivés par leurs fausses indignations programmées. C’est l’aliénation à un grand tout, l’argent. Leurs informations, leurs lois, sont les ennemis de la réflexion et du langage, alors à quoi bon réfléchir, se démarquer, le mouton reste dans le troupeau, le panurgisme cloître et maintient dans la bêtise, le conformisme étouffe l’imagination.
Quelquefois, quand ils doutent, quand ils sont perdus, que dans de trop rares instants des éclairs de lucidité les traversent, mais surtout quand cela les arrange, ils en appellent parfois aux anges, illusions rassurantes. Ils les imaginent avec des ailes, des plumes, une auréole, etc... Encore une fois ils font erreur. Ce que les anges ont perdu en folklore, ils l’ont gagné en efficacité, encore faut-il avoir une foi immatérielle autre que celle qui pousse aux achats compulsifs, frénétiques.
Chut !... Ne rien dire qui risquerait d’enrayer leur belle mécanique de plus, dans ce pays imaginaire, la servitude est volontaire. Observateur de passage, concernant le culte du secret ne vous en faites pas, n’étant pas impliqué de près ou de loin par les faits que mon cauchemar vous divulgue, la neutralité qui m’est chère s’alimente de discrétion et puis, insister dans la description de ce suicide collectif serait faire preuve de mauvais goûts et cette pugnacité à prévenir, à avertir, paraîtrait plus que douteuse aussi, il est des plumes bien plus érudites et éloquentes que la mienne pour vous raconter tout cela. Parce que je pense que dans chaque combat justifié, tout ce qui est ostentatoire en discrédite la cause, c’est sur la pointe des pieds que je me retire en me réveillant de ce mauvais rêve d’un pays que je souhaitais irréel.
Tragique évidence au réveil, en regardant autour de moi, fouillant tiroir et armoire, je viens de m'apercevoir que ce récit est parfois dramatiquement autobiographique...