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En jaune, combattre pour survivre

02 DECEMBRE 2018

            Des tourbillons de suie d’une fumée acre et noire se dégagent d’un tas de palettes se consumant au centre d’un rond-point. Agglutinés autour de ce foyer improvisé, plusieurs dizaines d’humains en gilets jaunes sont ici pour crier leurs colères et leurs détresses. En face d’eux, des CRS planqués derrière leurs boucliers, matraque en mains et flash-ball à la ceinture, gazent et chargent ces contestataires venus demander un peu plus de justice et d’égalité. Cette armée à la botte d’un pouvoir corrompu aux services d’intérêts privés est conditionnée pour violenter et agresser des manifestants. Peu importe qu’ils soient pacifiques ou pas, peu importe qu’il y ait des femmes, des personnes âgées, les casqués sont aux ordres le petit doigt sur la couture du pantalon, conditionnés et formatés, le cerveau absent de réflexion. Fantassin de la loi, tu as oublié que dans la foule il y a tes frères, tes cousins, ta famille qui luttent aussi pour toi. Comment est-il possible qu’un corps d’état créé pour protéger et servir la population puisse ainsi renier son serment et se retourner contre elle ?

          Pendant ce temps, à la tête du pays, sous les ors des palais de la république, un gouvernement atteint de surdité ignore la nation en colère. Ses dirigeants se croient intouchables, éternels, et du haut de leurs superbes, avec tout le mépris et la morgue dont ils sont coutumiers, insultent et humilient le peuple en l’ignorant ou lui mentant. Ce gouvernement essaie de faire passer les manifestants pour des casseurs, des pollueurs, des irresponsables en justifiant son racket par une pseudo transition écologique dont il se fout éperdument. Un petit mot Monsieur le Président : on ne fait pas d’écologie le ventre vide ! À l’Assemblée nationale, de trop rares députés tirent le signal d’alarme et dénoncent la casse sociale et la paupérisation galopante issue d’une politique injuste et assassine. Ils sont raillés, moqués ou ignorés. Regardez la majorité des bancs désertés par nos élus. Les quelques présents qui, les yeux rivés sur leurs portables, ou parlant entre eux, ou le sourire et le mépris aux lèvres, n’écoutent même pas celui qui à la tribune déclame la vérité de la rue.

          Depuis plus de trente ans, les équipes gouvernementales successives ont pratiqué des politiques ultras libérales brisant la cohésion et l’unité citoyenne par une casse sociale sans précédent. Elles n’ont eu de cesse que de promouvoir et encourager les richesses personnelles. Accroissant la fortune des puissants cousus d’or en prenant dans la poche des pauvres. Qui peut décemment justifier, sans sombrer dans le ridicule, qu’un individu puisse posséder des milliards d’euros quand à quelques rues de chez lui, une femme et ses enfants sont à mendier sur les trottoirs ? Quand un ouvrier, ne pouvant plus se loger, dort dans sa voiture ? Quand des personnes âgées n’ont plus les moyens de se soigner, etc, etc... ? Dites-moi quel imbécile peut encore défendre de telles injustices ?

        Ce président et ses sinistres ministres, pour la plupart de ridicules et serviles marionnettes carriéristes, n’ont pas compris que ce qui se joue là, dans la rue, n’est pas un vaudeville mais une tragédie. Ce n’est pas une révolte, mais une insurrection prémices d’une terrible révolution à venir. Ici pas question de droite ou de gauche, de morale ou de philosophie mais, comme dans l’histoire précédemment, de nourriture, de logement, de soins. La goutte de carburant a fait déborder le vase des inégalités, l’urne des doléances.

          Les choix de société imposés par la caste des seigneurs détruit la planète et font crever les peuples. Ne croyez pas qu’ils l’ignorent, bien au contraire cela est prévu, programmé afin de s’assurer un pouvoir hégémonique et de faire de nos sociétés des réservoirs d’esclaves consommateurs sans réflexion donc, sans revendication. Une infime minorité s’accaparant la majorité des richesses a déclaré une guerre sans merci à l’humanité. Dans sa folie, ses modes de production et de consommation, elle initie et alimente un processus irréversible qui conduira irrémédiablement à l’extinction de la civilisation avant la fin de ce siècle.

          Cet article en fera sourire certains, pensant que ces réflexions ne sont que les élucubrations d’un incorrigible pessimiste jouant les Cassandres et, pour être franc, j’aimerais qu’ils aient raison. Pour eux, je voudrais tout de même faire ce petit rappel, en juin 1992 au sommet de la terre à Rio, 178 pays participants et plus de 800 chercheurs et savants avaient tiré le signal d’alarme concernant le devenir de la planète en termes d’écologie et de climat. Pendant les années qui suivirent, ce changement climatique, issu de l’activité humaine, fut ignoré et tourné en dérision. Le mensonge ou l’ignorance de certains comme Claude Allègre relayé par les médias, niaient et ridiculisaient cette thèse. Aujourd’hui, les pantins version Allègre sont pratiquement absents et les médias annoncent les catastrophes météorologiques issues de ces bouleversements écologiques et climatiques qui ne feront que s’amplifier dans les années à venir et que, plus personne de sensé peut nier...

          Les gilets jaunes et leur révolte sont aujourd’hui la conscience de la nation, ses espoirs, sa colère et ses droits. Un peuple opprimé qui ne se révolte pas et ne lutte pas pour sa liberté confisquée, est un peuple qui accepte la domination, la dictature et encourage indirectement l’injustice dans son pays. L’histoire nous a appris que le temps qui passe est chargé de sens mais, malheureusement pour les ânes cupides, les rapaces rongés par l’avarice, il ne se mesure qu’à l’aune de l’argent perdu ou l’argent gagné...

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