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La condition inhumaine

03 FEVRIER 2018

     A chaque instant, dans tous les pays, sous tous les climats, l'homme métronome vacille de la servitude volontaire à l'esclavage subi, obligatoire. Broyé par un travail souvent non désiré, il trime pour s'insérer dans une société déshumanisée qu'il s'est lui-même façonnée. Quel que soit le niveau où il se situe dans l'échelle des activités humaines organisées, coordonnées en vue de produire ce qui est sensé lui être vitale voir utile, il se flagelle le plus souvent en vain pour le superficiel. L'être humain n'est plus reconnu en tant que tel, il est devenu une matière première malléable et corvéable à merci, une variable d'ajustement économique qui passera dans une comptabilité prévue à cet effet, de la colonne crédit à la colonne débit suivant son taux de rendement et de profitabilité.

 

     Chaque zone de production est composée de la sorte, une petite minorité exploitant une grande majorité pensant qu'elle n'a pas d'autre choix que d'accepter et d'endurer d'où, l'incompréhensible toute-puissance des opprimants sur les opprimés dont la finalité de l'activité se résulte à servir et enrichir leurs oppresseurs. Dans cet organigramme infernal, les dirigeants ont très bien compris qu'il fallait hiérarchiser les fonctions par l'attribution de pouvoirs fictifs à des subalternes qui, se croyant soudain investis d'une mission d'après leurs mérites, viendront écraser et presser leurs congénères transformant de fait, le travail de qualité assumé en tache bâclée et déresponsabilisée au nom du sacrosaint rendement financier. La productivité à marche forcée abolit la réflexion et tue la créativité.

 

     L'ensemble des travailleurs, surtout agricoles et industriels subit aujourd'hui un burn-out incroyable. Le nombre des dépressions et suicides est en pleine expansion, qui s'en chagrine ? Certainement pas les leaders responsables de ce capitalisme sauvage ni les médias, censés informer et prévenir les maux de la société, qui leur appartiennent. Sur les lieux de travail, on ne parle plus d'accomplissement, d'élaboration, d'évolution mais de corvée, devoir, effort. Un mot magique, devant lequel tout le monde se prosterne pour englober tout cela : " Business ". Avez vous remarquez comment l'usage de la langue anglaise dans le monde du travail balaie par sa simplicité d'expression et ses raccourcis grammaticaux tout sentiment d'humanité ? Attention, leur dialectique a changé la vision du monde. Ils interdisent le débat d'idée et imposent leur morale. Ce sont les bien-pensants qui ne dérapent jamais et pour cause, ils sont la glace.

 

     Des changements radicaux présentés comme des évolutions par la caste dirigeante, tel que la robotisation, l'informatisation, la délocalisation, afin d'accumuler des profits non redistribués, imposent la précarisation, la flexibilité, la polyvalence qui engendrent à leurs tours, les emplois précaires, le chômage, la pauvreté. Encore une fois, qui s'en émeut ? Pas les possédants, car habitués aux privilèges, l’égalité leur semble une frustration. Dans cet accouchement aux forceps, deux catégories sont mises au monde du travail. Premièrement les exploités sous-payés, pressés comme des citrons  et vivant dans l'angoisse permanente de perdre les chaines qui font d'eux des esclaves. La seconde, celle des chômeurs sans cesse en expansion de par leur nombre. Bien entendu, ces deux parties sont interchangeables et créées de toute pièce afin d'initier une compétition permanente entre actifs et passifs pour le plus grand bonheur des exploiteurs qui rêvent de restaurer la société des seigneurs et du servage. Leur programme est simple, une main-d'œuvre amovible, jetable et remplaçable payée avec des cacahouètes et disponible 24H sur 24.

 

     Revenons à cette catégorie médiane très minoritaire qui, s'en sans rendre compte, alimente, entretien et permet la stabilité de ce système pervers. Les chefs, sous-chefs et autres parasites mettant leur médiocrité au service de cette basse besogne et prospérant dans l'ombre des premiers. Je parle bien entendu de ceux qui ont fait allégeance à ce système en toute connaissance de cause et dont les effets pervers sont pour eux source de jouissance de leur insignifiant et illusoire petit pouvoir. Ceux qui vendraient père et mère pour les miettes d'un salaire supérieur, un titre ronflant ou de basses flatteries. Ceux qui croient que nous sommes plus déterminés par ce que l'on possède que par ce que nous sommes réellement, le fruit de nos actions. Ceux-là sont indispensables à l'équilibre de cet enfer, le mal nécessaire, la métastase de la pathologie, les piliers du bagne des travailleurs et par leurs néfastes actions, la passerelle  alimentant les richesses des pharaons régnant sur la pyramide.

     Quel bilan tirer de cette situation si ce n'est que l'homme ne s'épanouit presque plus dans son travail, que ce mode de vie imposé et basé sur la possession de biens matériels manufacturés sclérose sa créativité, tue sa spontanéité. Charlie Chaplin avait déjà singé le modèle et Orwell nous avait prévenus de ses excès. Nous avons le droit et le devoir de poursuivre et de punir le travail homicide, le travail qui abrège la vie de l'homme, qui estropie l'enfant, le travail qui déforme la femme, qui fait dégénérer l'espèce et déchoir les nations. Dans ce cas nous luttons pour la liberté, nous combattons le crime qui l'abroge, l'attentat à l'humanité qui se propage.

 

     "Il n'est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir."      

                                                                           

                                                                                                        Albert Camus

     "L'esclave n'a d'autre refuge contre les caprices sans loi d'un maître, contre son pouvoir sans limites, contre sa cruauté sans répression, que la révolte ou la vengeance. Un front courbé sous le joug ne couvera que de sombres pensées, un cœur ulcéré par les mauvais traitements ne palpitera que d'émotions haineuses, n'enfantera que de sinistres projets."   

 

                                                                                                        L.A Martin

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