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Un sens à la vie

07 MAI 2019

          Est-ce que quelqu’un sait pourquoi nous vivons ? Trouver un sens à la vie, quelle prétention et d’abord, pourquoi faire ? Celle-ci est faite de fausses promesses d’être là jusqu’à la fin, car toutes promesses ont toujours une fin. Nous naissons, nous mourrons, mais qu’avons-nous fait entre, ou plutôt qu’aurions nous du faire sur ce parcours dont on ignorait déjà la longueur et la durée ? Bien sûr, il y a d’excellents instants, mais sur quoi reposent-ils et font-ils partie intégrante de notre évolution ? Au début, nous apparaissons projetés d’une matrice de chair pour être chair. L’esprit confus avec les souvenirs s’effaçant de notre mémoire à la vitesse d’un cheval au galop, nous sommes nus face au monde. L’ange a bien fait son boulot, le doigt posé sur notre bouche en signe de silence, au paradis de l’oubli, il a celé notre histoire sous la cendre. Tout neuf, nous voilà repartis pour un tour, débrouille toi et fais comme tu peux avec ce que tu auras, mais ne baisses jamais les bras, fais de ton mieux, suis les panneaux, déchiffres les signes. Adolescence, saison des certitudes et des révoltes. Âge mûr, assurance, période des références matérialistes et des camps choisis. Vieillesse, obsolescence programmée, prétendue sagesse, doutes naissants, questions en suspens. À quoi se résume un parcours, sinon à un bilan que notre honnêteté se doit de trouver un minimum mitigé. Nous faisons parfois des rencontres fabuleuses, un guide, un professeur. Un bon professeur nous accompagne jusqu’à la limite de nos capacités, un bon guide nous emmène au-delà de nos possibilités. Il excelle lorsque les gens savent à peine qu’il existe. Quand son travail est accompli, son objectif atteint, ils disent : « on l’a fait nous-mêmes. » Sa première responsabilité est de définir la réalité. Sa dernière est de dire merci quand l’élève a trouvé son chemin. Entre les deux, il se doit de servir puis, sa tâche accomplie, partir ou d’autres l’attendent... Celui qui souhaite mener un orchestre, c’est bien connu, doit tourner son dos à la foule. À terme, nous nous retrouvons toujours seuls face à nous même avec la nostalgie qui n’a rien d’un sentiment esthétique, car forcement lié à un bonheur posthume, on est nostalgique uniquement de ce que l’on a vécu et que le temps enjolive.

          D’après un grand philosophe qui n’a jamais rien écrit, devant chaque situation nous devrions appliquer son filtre socratique composé de ces trois questions : « Est-ce vrai ? Est-ce utile ? Est-ce bien ? » Puis des morales surgissent, le bien, le mal, sachant qu’un excès de l’un ou de l’autre peut nous être fatal. Concernant le bien, n’en ayant jamais eu assez, on l’ignore... Conflits, guerres, en finalité ce ne sont que du business. Quelques morts et vous êtes un assassin, un terroriste. Des milliers de morts et vous êtes un sauveur, un libérateur, un démocrate, le nombre sanctifie. Oui je sais les mathématiques sont parfois macabres, mais qui puis je, le réel finit toujours par nous rattraper et la négation de celui-ci reste une protection aussi éphémère qu’aléatoire. Quand on voit les massacres de masse, les épurations ethniques, la torture, les enfants soldats, les femmes battues et violées, on finit par se dire que c’est par pure charité que le Bon Dieu a inventé l’idée de meurtre. Untel veut la misère secourue, c’est infini. L’autre la veut supprimée, c’est impossible. Alors devant l’autel des perversités, certains fuient, s’isolent. Je comprends qu’ils soient attirés par une vie monastique, mais de là à afficher un dégoût des passions charnelles, j’ai du mal à imaginer un tel sacrifice. N’est ce pas dans l’acte sexuel que s’étiolent nos plus basses pulsions ? Le déni des terribles réalités est une fuite en avant, une enfantine inconscience et le désespoir est un archétype, il donne à l’esprit une sorte reposante indifférence. 

          Nous naviguons sur une mer inconnue à la météo changeante, nous croyons maîtriser le navire, mais c’est une fausse réalité qu’on s’octroie pour se rassurer. Des boussoles sans nord, nous cherchons la sortie, des glaçons à mettre dans nos verres vides, comme disait Bukowski : « Les gens fuient la pluie pour s’assoir dans des baignoires pleines d’eau... » tout sens est un non-sens et vice versa. Il nous restera cette frustrante sensation d’avoir toujours frôlé la vérité, l’essence même de la vie sans jamais avoir pu réellement la saisir, la tenir, ne fût-ce que le temps d’un éclair. Cette certitude au goût légèrement amer de ne pas avoir fait tout ce qui pouvait être fait comme il aurait fallu le faire. Ces remords de n’avoir pas osé essayer par hypocrite pudeur ou lâcheté morale. Ces regrets de ne pas avoir aimé assez cette vie et de laisser ceux qui ont compté derrière nous... Puis viendra l’inévitable divorce entre l’âme et le corps issu du fatidique, nécessaire et sempiternel désaccord pour enfin, quitter avec soulagement ce monde détruit petit à petit par l’égo de l’homme, son avidité, sa cupidité. Cette curiosité de l’inconnu qui, par intuition de notre âme, ne sera jamais du vide, du néant. Ce dernier port où, la nef de notre esprit pourra enfin se reposer dans un lieu sans agressivité, haine ou envie. Cette auberge sacrée où, le voyageur fatigué, pourra se restaurer et s’enivrer en paix.

          N’écrivez rien sur les tombes, les enterrements sont faits pour les vivants, car les cendres dans le vase funéraire ne sont que poussière, illusion de particules de matière. La vérité est ailleurs dans un monde meilleur où, nous retrouverons ceux qui nous ont précédés et où nous attendrons ceux qu’on a tant aimés... Ce n’est pas le voyage qui nous effraie, ni la destination, mais seulement l’interminable attente et son voile de souffrance, son magma d’ignorance. Difficile de faire en sorte de partir en paix avec Dieu, la nature ou la vie, peu importe le nom que l’on donne à l’existence dans sa globalité, notre désaccord sera toujours avec l’homme.

Un vieux chef Cherokee a enseigné sur la vie à son petit fils :                                                                                                 – il y a un grand combat qui se passe à l’intérieur de nous tous, lui dit-il. Et c’est un combat entre deux loups, l’un est le mal, il est colère, l’envie, la culpabilité, la tristesse et l’ego, et l’autre est bon. Il est la joie, l’amour, l’espoir, la vérité et la foi.                                                                                                                                                                                           Le petit fils demande :                                                                                                                                                              – Quel est le loup qui gagnera ?                                                                                                                                                   Et le chef répondit                                                                                                                                                                    – Celui que tu nourris...   

          La vie est un mystère qu’il faut vivre et non un problème à résoudre.           Gandhi    

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