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Les colibris de la vie

24 AVRIL 2019

               Urgences, urgences, toujours sur le pont, le qui vive, elles courent dans le dédale des couloirs aux vapeurs médicamenteuses, de chambre en chambre impersonnelle à l’appel des gémissements, des peurs, des détresses. Volée de moineaux, elles pansent, elles soulagent, elles rassurent. Dans ce que le corps et l’âme humaine ont de douleur, elles sont assidues de patience et de douceur. Malgré la fatigue des longues heures de garde, leurs soucis personnels, ces petits soldats guérisseurs répondent présents au chevet des malades. Des jours et des nuits, des heures à n’en plus finir, colibris en blouse blanche tu te débats dans la souffrance, les odeurs d’éther, d’ammoniaque et de fin de vie. Toi l’infirmière je ne te connais pas et pourtant je t’admire car, tu es toujours présente lorsque la vie chavire. Je t’appelle providence, tu offres tes nuits, tu donnes ton temps. Tu craques parfois, car tu as compris que tout ton dévouement et toute ta foi n’y suffiront pas. Tu ne peux pas lutter contre la bêtise des bureaucrates cravatés qui, penchés sur leurs feuilles comptables, ont décidé que la santé devait être financièrement rentable. Il faut savoir que sur une seule année, les heures supplémentaires non payées et non récupérées à l’hôpital représentent environ 30 000 emplois ! Moins de personnel, de dispensaires, de maternité, de lit, tout cela sur tes frêles épaules engendre chez toi et tes collègues la détresse psychologique, la dépression et l’épuisement professionnel, un stress constant. Ta fatigue accouche de la peur de se tromper dans la posologie et c’est sur les nerfs et au détriment de ta famille que tu continues ton sacerdoce d’ange soigneur. Le bruit d’une bombe qui éclate à l’autre bout du monde, dans leurs sales guéguerres de pillage, c’est des mois de stock de médicaments qui n’arriveront jamais, des lits qu’on supprime, des collègues licenciés, des heures impayées. Il est presque risible de savoir que dans les conflits armés la cupidité humaine a cette ironie mesquine de susciter vos vocations... 

 

          Aujourd’hui, suite à la destruction volontaire et planifiée du système de santé voulu par les politiques libérales ordonnées par l’Europe à des fins d’économiques douteuses, de nombreux défis voient le jour. Celui de la sécurité des soins prodigués, celui de la fatigue du personnel médicale ainsi que celui de l’impact des milieux de travail sur la santé des professionnels. Le métier ou plutôt, devrions-nous dire, la vocation ou le sacerdoce d’infirmière est exigeant émotionnellement, mentalement et physiquement. Un alourdissement de la charge de leur fonction issu de ces restrictions budgétaires associées bien souvent à un manque de respect de la hiérarchie et des patients qui font parfois de leur travail un enfer, des blouses blanches sombrent en dépression. Les nerfs mis à rude épreuve par la souffrance et la peur, des malades craquent et deviennent quelques fois violents. Le nombre d’agressions en milieu hospitalier ne cesse de progresser. Les services des urgences sont saturés et à voir la folie qui y règne on se croirait en temps de guerre, mais d’ailleurs nous y sommes, guerre initiée et déclenchée par la rapacité financière d’une poignée de nantis qui se vautrent dans l’opulence. Maintenant dans ce monde où la religion budgétaire s’alimente d’ignorance et de destruction, l’humanité se perd à l’endroit où elle devrait être la plus présente, car elle ne fait pas recette dans la finance. Si nous devions faire un état des lieux des services de santé, il pourrait se résumer ainsi : Tristesse, colère, anxiété et dévalorisation. Depuis 40 ans, c’est une démolition programmée des soins au profit d’un mercantilisme individuel.

 

          Dites-moi Messieurs les gouvernants, à combien estimez-vous la souffrance humaine ? N’oubliez jamais de remercier vos infirmières, ce ne sont pas des starlettes ni des vedettes et elles ne font pas la une de vos radios ni de vos journaux, mais parfois elles sont le seul rempart entre vous et le cimetière.

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